Histoire

 

Grâce aux documents établis dans le passé parvenus jusqu'à nous, nous pouvons retrouver des noms relativement peu répandus, comme celui des DESTRIBATS, identifier les personnes qui l'ont porté, de reconstituer leurs conditions de vie.

Depuis des siècles, des DESTRIBATS ont vécu dans le pays de GOSSE et la Vicomté de MAREMNE. Ces " pays " se situaient dans le sud-ouest de l'actuel département des Landes. Plus au nord, s'étendait la Haute (ou Grande) LANDE, plus austère.

Aliénor d'Aquitaine (1122-1204)
Aliénor d'Aquitaine, héritière du duché, l'apporta en dot au roi de France Louis VII. Puis ils divorcèrent, Aliénor récupéra son héritage et le transmit à son second époux, Henri II PLANTAGENET, en 1152. Le roi d'Angleterre ajouta à son titre celui de Duc d'Aquitaine. Mais il ne fut pas " occupé " : les structures et la langue ne furent pas modifiées. L'Aquitaine redevint française après la bataille de Castillon (1453).

A la suite de conquêtes et d'alliances, des seigneurs locaux devinrent riches et puissants, comme les D'ALBRET. Ils possédèrent, entre autres domaines, la MAREMNE et le pays de GOSSE, rattachés au royaume de NAVARRE, puis à celui de France. Les statuts obtenus dès 1300 par ces " pays " furent maintenus.

Cette " Coutume " ayant force de loi assurait l'exercice d'une certaine forme de démocratie. Elle tenait compte aussi des particularités de ces régions. Les terres, peu fertiles, ne pouvaient être morcelées sans règles, ni laissées à l'abandon.

Une " maison " était constituée d'une habitation et des terres qui lui étaient rattachées. Elle se transmettait, par ordre de primogéniture absolue. L'aîné(e) héritait et donnait à ses frères et sœurs une compensation, la " légitime ", ou dot. Le montant pouvait en être fixé par le père, au moment du mariage de l'aîné(e), ou par testament. Mais la marge d'évaluation était faible. Habituellement, un héritier épousait une cadette, et une héritière épousait un cadet. Les cadets en surplus se mariaient entre eux et s'établissaient avec leurs maigres " légitimes ". Ils devenaient petits propriétaires, fermiers ou artisans.

Les habitants du village en exerçaient la gestion. Les " principaux " d'entre eux se réunissaient, prenaient des décisions et procédaient à l'élection de leurs responsables : jurats, collecteurs d'impôts... On organisait des enchères pour le syndic de la " fabrique " (gestion des biens de l'église locale). Les illettrés, presque partout majoritaires, participaient à ces décisions et pouvaient être chargés de ces tâches. En cas d'erreur, le responsable payait de sa poche, ou de ses biens.

Hors des terres bénéficiant d'alluvions, celles qui bordaient les rivières, les " barthes ", le sol de la Maremne était pauvre. Le pays de Gosse, bordant l'Adour, était plus fertile. Le labourage était effectué avec la charrue tirée par un couple de bœufs.

Pendant longtemps, on cultiva le millet, l'avoine et le seigle.
Millet : nom donné à une céréale qui n'est plus cultivée en France que localement, mais qui reste d'un grand usage en Afrique.
Avoine
Seigle : Céréale des sols pauvres, très cultivée autrefois pour sa  rusticité et sa résistance au froid. Concurrencée aujourd'hui par le blé. Utilisation: alimentation humaine et animale pour le grain; paille recherchée pour sa solidité et sa régularité (couverture et cannage).
Au début de XVIIe siècle, apparut le maïs (ou " blé d'Inde "), venu d'Amérique via l'Espagne. Sa culture se répandit vite, et certaines régions peu favorisées lui donnèrent une quasi-exclusivité... On s'en servait pour l'alimentation des bêtes, mais aussi pour celle des humains, sous forme de bouillies plus ou moins consistantes : l'escoton et la méture...
 
Maïs
 

Mais le maïs n'est pas un aliment complet, et, s'il n'y a pas d'autres apports, des carences sont à l'origine de malformations, de rachitisme ou de pellagre (maladie de la peau)... Cependant, pendant les guerres ou les périodes difficiles, on retrouve encore les recettes de l'escoton et de la méture.

Pour enrichir les terres, on se servait de fumier : les excréments des bêtes recueillis sur le soutrage, sur des litières composées de fougères, bruyères et genêts. Chaque " maison " possédait donc un troupeau de moutons qui fournissaient aussi la laine.

Dans le sud de la Gascogne, les troupeaux comptaient relativement peu de bêtes et pouvaient être gardés par des enfants. C'est dans la Haute (ou Grande) Lande aux vastes étendues peu peuplées qu'étaient élevés de grands troupeaux de moutons. On y pratiquait le rythme de la transhumance avec des éleveurs des Pyrénées.

A partir de XVIIIe siècle, donc pendant peu de temps et d'espace, on a pu voir des bergers protégés de peaux de bêtes, perchés sur des " tchanques " ou échasses. On ne connaît pas bien l'origine des échasses, employés aussi en d'autres lieux. Elles servaient à franchir des espaces humides ou marécageux, à se déplacer lus rapidement et à surveiller plus efficacement. La représentation de ces hommes ou femmes haut perchés, filant la laine ou tricotant tout en gardant des troupeaux avec l'aide de chiens parut si curieuse aux gens de passage qu'elle devint emblématique des Landais.

Les voyageurs n'ont qu'une vision rapide des pays qu'ils traversent. Leur échanges avec la population sont superficiels, avec tous les préjugés réciproques entre gens de la ville et ruraux.

Les travaux agricoles étaient pénibles. St Vincent de Paul, dont la famille possédait une " maison " à l'est de Dax, a parlé des conditions de vie difficiles des paysans, en particulier de celles des femmes. En raison de ces efforts, parfois excessifs, du manque d'hygiène, des épidémies et du peu de connaissances médicales, la mortalité était très forte. Peu de gens atteignaient les 50 ou même 40 ans. Et nombreux étaient les orphelins mineurs.

L'institution de la curatelle (tutelle) leur venait en aide. Le conseil de famille, au sens large, se réunissait et désignait un tuteur. Ce dernier pouvait être honoré de cette confiance. Mais il n'acceptait pas sans appréhension cette mission qui présentait des problèmes nombreux et qui pouvait durer pendant de longues années. A la majorité du pupille, les comptes étaient rendus. Des actes notariés ont permis de prendre connaissance de la grande quantité des curatelles, et de la complexité et la diversité des situations.

Puit à balancier (à droite de la maison)

L'écomusée de la Grande Lande, à Marquèze, restitue une maison d'autrefois ; une des plus prospères.

Dans l'airial ombragé par des chênes, se dresse la maison d'habitation dont la façade s'ouvre à l'est.

A côté, sont disposés la grange, le hangar, le poulailler perché, le four à pain et le puits à balancier.

Autour, dans un encadrement de vergers ou de pins, s'étendent les champs céréaliers, le potager, les prés, une parcelle réservée au lin et au chanvre et quelques vignes. Enfin, on remarque des ruches, importantes, puisque le miel est un des rares apports de sucre.

Aux ressources des champs s'ajoutaient celles des forêts encore peu dense, et du sous-sol. Les pins étaient exploités pour leur bois et pour la résine, le " brai ", qui était traité dans des ateliers et servait à la fabrication des torches et au calfatage des bateaux.

Le sous-sol donnait de la " garluche ", ou de l'"alios ", grès ferrugineux d'une faible teneur en fer. Au XIXe siècle, pour l'exploiter, existaient une vingtaine de forges, chacune d'elles occupant de 200 à 300 personnes.

Chaque " pays " avait ses vignes donnant un vin plus ou moins réputé. Les tonneaux étaient souvent fabriqués sur place.

Il ne faut pas oublier la pêche, en mer ou en eau douce, et la chasse.

Les produits lourds vendus à l'extérieur étaient acheminés vers les villes, Dax ou Bayonne, par des charrois ou par des bateaux sur l'Adour.

Dès le début du XVIIIe siècle, la création d'écoles dans tous les villages de France avait été rendue obligatoire. Mais le financement revenait aux villages. Les " principaux habitants " de plusieurs lieux, s'étant réunis, objectèrent que les impôts étaient trop lourds pour qu'on pût y ajouter cette contribution. S'ils pensaient obtenir ainsi un dégrèvement ou des subventions, ils furent déçus.

Au début du XVIIIe siècle, Bertrand DESTRIBATS, forgeron à SAUBRIGUES, pays de GOSSE, épousa en secondes noces Catherine VIGNALET. Il deviendra maître de la maison " Jantic ".

Catherine hérita d'un oncle une somme importante. Une grande partie de cet héritage fut employée à l'instruction des deux enfants du couple, Etienne et Martin, sans doute dans une institution de la région.

Etienne, l'aîné, était héritier de " Jantic ". Pendant plusieurs années, il fut "régent ", instituteur à Saubrigues. Il mourut vers l'âge de 40 ans, et son fils, qu'on avait marié à la hâte, n'alla pas au-delà de ses vingt ans. Il laissait une fille, Marie, que son arrière-grand-mère, Catherine VIGNALET, aurait voulu unir à un de ses cousins DESTRIBATS. Mais la mère de Marie et le conseil de famille optèrent pour un parti plus avantageux, et le nom de DESTRIBATS disparut de cette branche.

Le frère cadet d'Etienne, Martin, épousa l'héritière du " Bascou ". Ils eurent six enfants : une fille, Etiennette et cinq fils : Pierre, Etienne et trois Jean (on donnait au garçon le nom de son parrain, à la fille celui de sa marraine). La postérité de cette branche est abondante, et nombreuses sont les personnes qui en sont issues et recherchent leurs origines.

Mais il y avait aussi des DESTRIBATS à JOSSE. Ce village est voisin de SAUBRIGUES, et on peut supposer qu'ils ont une origine commune avec les autres DESTRIBATS.

Un des petits-fils de Martin, Pierre, épousa la fille d'un meunier. Sous l'Ancien Régime, les moulins appartenaient aux seigneurs et les meuniers étaient fermiers. La Révolution abolit ces privilèges. Et Jean DESTRIBATS, fils de Pierre, après avoir servi un assez long temps dans l'armée put, vers 1850, acheter un petit moulin, celui de MONBARDON, à SEIGNOSSE. Il épousa une jeune fille de SOUSTONS, et ils eurent quatre fils. Quand ils eurent grandi, le moulin parut trop petit et la famille alla s'installer à CAPBRETON.

La loi de l'héritage partagé entre tous les enfants s'étaient imposée, et la durée de vie s'étaient allongée. Depuis longtemps, les cadets Basques émigraient vers " les Amériques ". La solidarité leur permettait de surmonter bien des obstacles. Mais des sociétés d'encouragement à l'émigration, peu scrupuleuses, promettaient, moyennant un apport d'argent, de brillantes situations. En réalité, elles n'assuraient que le transport aller. L'aîné des jeunes nés à MONBARDON, Rémy, fit confiance à l'une d'elles et partit pour l'Argentine. Il dut y connaître les pires difficultés. Il mourut à Buenos-Ayres à l'âge de 26 ans.

Par la suite, des Gascons, dont des DESTRIBATS, partirent pour l'Algérie. Ils y gardèrent le souvenir de leur point de départ jusqu'à leur retour en métropole.

La signification du nom de DESTRIBATS a donné lieu à toutes sortes d'interprétations plus ou moins fantaisistes. La plus plausible est " des trois vallées ". Bien que les vallées soient rares dans notre pays plat. Peut-être les DESTRIBATS venaient-ils des Pyrénées. Mais il peut paraître un peu vain de s'acharner à donner un sens à une appellation créée il y a bien longtemps dans un contexte bien différent du nôtre.

Renée DESTRIBATS

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