Les fileuses

Jusqu'au début du siècle, la matière première des habits est cultivée sur place. C'est le lin et le chanvre. Mais bien vite, les superficies pour le lin diminuent. De 1852 à 1901 en Chalosse, elles tombent de 414 hectares à 37 dans le canton de Mugron, et de 353 à 225 dans celuide Saint-Sever. En 1914, le lin a complètement disparu à Mugron et n'occupe plus que 66 hectares dans le département.

Le progrès de l'industrie textile en plein essor en France, supplante de plus en plus la culture des plantes textiles, bien que dans les Landes, il n'y a, en 1813, qu'une seule fabrique de draps, située à Hagetmau.

Les Landais s'approvisionnent en lainage des Basses-Pyrénées, acheminées par des colporteurs, de même les toiles, les mouchoirs et autres pièces viennent de Belgique, Bretagne, Cholet, Béarn, et le coton, fort prisé, arrive d'Alsace, de Provence, de Picardie...

Il faut dire que la culture du lin est particulièrement longue et qu'il y a beaucoup de travail entre les semailles et le tissage. Cependant, ce processus a rythmé la vie de nos grands-mères qui ne sortent jamais sans leur quenouille accrochée à la ceinture.

Le lin

Semé en septembre et récolté en mai, le lin est arraché poignée par poignée. Les voisins aident à ce travail pénible à l'issue duquel la plante sèche au soleil jusqu'à ce que la graine s'échappe. En Août, il est battu au fléau. Commence alors le rouissage, qui permet de séparer l'écorce et la tige de la plante, collées par une gomme résineuse qu'il faut dissoudre, l'opération se fait soit dans une rivière, soit sur de la rosée.

C'est ensuite le teillage, après quoi il ressort sous forme de mèches raides. Enfin le peignage fait au moyen d'une planche cloutée, permet d'obtenir des fils de plus en plus fin, selon la destination qu'on veut donner à la future étoffe : tochon, couvertures de boeufs, draps, nappes, linge de corps et de table... Avant le filage, le lin subit une dernière opération : l'hourrega, qui le rend propre et luisant.

Le filage est exclusivement réservé aux femmes. C'est une activité primordiale de leur vie, parmi toutes leurs autres obligations. Césaire Daugé, le curé littérateur en parle ainsi :

"L'une des pricipales occupations de la femme gasconne consistait à filer pour les vêtements ou le linge de maison. On filait isolément ou par groupe. Jamais femme ou jeune fille n'allait hors de la maison sans arborer sa quenouille, plantée à la ceinture. On passait des journées entières à filer. Pendant l'été, les femmes du voisinage se groupaient et, assises à l'ombre, procédaient en causant à la tâche journalière. Les plus âgées, sans famille, vivaient maigrement du produit de leur quenouille. Pendant les longues soirées d'hiver, les fileuses d'une rue, d'un quartier, se réunissaient à tour de rôle chez l'une d'entre elles. Ainsi elles se tenaient compagnie, évitaient le sommeil et filaient, à la lueur d'une chandelle de résine, jusqu'à 11h du soir ou minuit. Parfois on offait aux fileuses une roste, pain trempé dans du vin, ou des marrons que l'on arrosait de vin clairet."

 

 

La quenouille plantée à la ceinture, on écoute le "casse-can" faire son invitation pour la future noce.

Les hiélères, nom de ces soirées, reçoivent aussi les hommes qui chantent, racontent des histoires et font la cour aux rougissantes fileuses célibataires.

 

Le filage se pratique à la quenouille et au fuseau ou, dans les bonnes maisons, au rouet. En Chalosse, les quenouilles sont petites, faites dans un roseau et décorées de dessins au fer chaud.

La dernière opération est le tissage que les femmes de Chalosse savent faire fin et solide.

 

L'autre plante textile cultivée dans les Landes est le chanvre, qui sert à tisser des serviettes, des torchons, et entre dans la composition de certains tissus comme le droguet. En 1892, cette culture occupe 440 hectares de terrain dans tout le département, il n'en reste que 4 en 1914.

En ce qui concerne la laine, sa production est en nette baisse à partir de 1860. Dans la Grande Lande, la loi de 1857 réduit considérablement l'espace des troupeaux. De la même manière que le lin est progressivement remplacé par le coton, les laines locales, rudes et de qualité médiocre, le sont par des laines plus souples, comme le mérinos. Cependant, les bergers de la Grande Lande, en gardant leur troupeau, continuent à tricoter la laine de leur mouton avec laquelle ils font bérets, guêtres et gilets.

A Hagetmau se situent les deux usines de tissage, les seules que possèdent les Landes. Ce sont les établissement Busquet et Busquet-Drouot.

Les derniers tisserands et le tout dernier, M. Sourbes, disparurent vers 1940.

 

La bilbère

Le Ninète de le Taulère
e le Yane de Mancestat,
En so de le daune dou Prat
Soun anades à le hilhère.

Hilous tout nau de canebère !
Hiu dou huset bien afeytat !
Hiu de le lencou bien coupat !
Bouque damnade e man oubrère !

Penden chis ores, mort ou biu,
Lou husèt tustem que brounibe !
Le lencou yamès ne finibe !

E - gran miracle dou boun Diu ! -
Si quoque cop perden lou hiu,
Yamès ne perden le chalibe !

Le filage

Ninette de la Taulère
Et Jeanne de Mancestat,
Chez la maîtresse de Prat
Sont allées filer.

Quenouilles neuves du roseau !
Fil du fuseau bien coiffé !
Fil de la langue bien coupé !
Bouche damnée et main experte !

Pendant six heures, mort ou vif,
le fuseau toujours ronronnait !
La langue jamais ne s'arrêtait
!

Et - grand miracle de Dieu ! -
Si parfois elles perdaient le fil,
Jamais elles ne perdaient la salive !

Un des poèmes gascon d'Isidore Salles, paru dans l'Echo Littéraire de Gascogne.

 

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