Les espadrilles

Histoire :

Déjà, au XIIIe siècle, les va-nu-pieds gonflant les troupes du roi d'Aragon en portaient.
Cinq siècles plus tard, des artisants du Pays Basque utilisaient du chanvre et du lin pour confectionner les sandales des gens de peu.

Mais ce n'est qu'au XIXe siècle qu'une famille de Mauléon décida d'en vendre en grande quantité. Bien organisée, elle distribuait le travail à domicile, dans les fermes et les bergeries.
Ironie de la géographie, l'espadrille serait sans doute demeurée une chaussure des contreforts pyrénéens si elle n'avait trouvé un formidable débouché dans les corons !
A partir de 1880, les commandes affluent pour chausser les gueules noires. Dans les méandres des galeries étroites, le mineur se déplace avec plus d'agilité en espadrilles et en use une paire par semaine.
Dans le Sud, un village se transforme en eldorado. Trente usines ouvrent en Soule et en 1914, 1500 personnes travaillent pour l'industrie sandalière.
Mais après la Seconde Guerre mondiale et une succession de drames, on humidifie les mines pour éviter les coups de grisou. Les semelles de corde n'y résistent pas.

Et la nostalgie des immigrés basques, qui en importent jusqu'au Brésil, au Vénezuela, en Argentine ou en Uruguay, ne suffit pas à maintenir les rendements élevés d'une production à grande échelle.

L'espadrille se retrouve donc cantonnée à l'univers du loisir et du folklore.
Même sur ses terres, certains la délaissent pour un produit moins cher conçu à la va-vite en Extrême -Orient.

 

Fabrication :

Jamais pourtant une machine ne parviendra à imiter la sandale telle qu'elle est encore façonnée dans le Pays Basque.
Car sa fabrication est minutieuse et manuelle.

 

Elle nécessite une longue tresse de jute de 27 fils, importée le plus souvent du Bangladesh.

 

Le sandalier l'enroule autour d'un ourdis pour former une grosse galette compressée dans des moules à la forme et la pointure de la semelle, cousue transversalement et dans son épaisseur.

 

Les puristes, considérant que l'espadrille est un concentré de matières vivantes, préfèrent la corde nue ou à peine consolidée au talon et au bout de la semelle.
Mais le procédé de la Vulca Pyrénéenne, entendez des billes de caoutchouc à forte teneur en craie fondue sous la galette de jute, permet d'en différer l'usure.
Quant au tissu utilisé pour l'empeigne (le dessus), il est spécialement calibré à cet effet. Ce coton épais, appelé laize, sans bordure, ne s'effiloche pas.
Il mesure 15 cm de large et se décline en blanc, rouge ou bleu de Chine.
Avec un seul fil de 1,20 m, les couturières cousent l'aize et la semelle au point noué, en une demi-heure pour une paire.

Evolution :

Reléguée à la petite boutique des antiquités pendant près de trente ans, la sandale basquaise avait déserté les magazines de mode.

C'est dans une petite fabrique landaise, située à Sainte-Marie-de-Gosse, que cette chaussure a ressuscité grâce à une styliste de génie.
En quelques mois, elle a dessiné plus de 70 modèles, sans toucher à la recette du jute et de la toile, mais en modifiant les couleurs, les talons, les formes, en jouant sur les imprimés, en osant substituer le coton traditionnel des laçages par de beaux rubans de satin.

Soudain, l'espadrille s'est faite plus féminine, inspirée de la mode babouche, Bollywood ou des sixties.
L'hiver, elle se fera même pantoufle chic d'intérieur. Il ne lui manquait plus que cet atout : celui de s'affranchir des saisons.

 

 
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